Mise à nu

Nombre de commentateurs ce matin s’interrogeaient : fallait-il y aller ? fallait-il offrir le spectacle de ce pugilat pendant lequel, deux heures trente durant, les deux candidats se sont affrontés avec une violence qu’aucun débat présidentiel n’avait connue en France jusqu’alors ? Nombreux sont ceux qui en doutaient et qui concluaient que l’on n’avait pas appris grand-chose et que la démocratie n’en sortait pas grandie.
Eh bien, il faut le dire clairement et sans ambiguïté : oui, il fallait y aller, et c’est tout à l’honneur d’Emmanuel Macron d’avoir eu le courage de faire, et, non, la démocratie n’a pas souffert de cet étalage. Bien au contraire.

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« Dupont-la-Honte »

     Le folklore national s’est enrichi. Nous avions Dupont-Lajoie, nous avons maintenant Dupont-la-Honte, si l’on en croit toutefois les pancartes brandies par des électeurs d’Yerres scandalisés. Après s’être tâté longuement durant la semaine, Nicolas Dupont-Aignan a annoncé son soutien à Marine le Pen. Non pas qu’il ait véritablement eu des scrupules qui l’auraient fait hésiter, car on sentait bien qu’il penchait de ce côté, mais la répugnance exprimée par une bonne partie de ses électeurs à l’idée de soutenir le Front national était certainement de nature à faire réfléchir l’élu qu’il est. Finalement, la perspective d’occuper un poste de premier ministre a dû aider à emporter la décision. Continuer la lecture

Voter blanc, s’abstenir, c’est voter le Pen

     Soyons clairs : le 7 mai il ne s’agit pas simplement d’éviter que la candidate du Front national accède au pouvoir. Il s’agit d’infliger une défaite cuisante aux idées détestables d’un parti qui prospère depuis des années sur la peur et le mensonge. Alors gardons la tête hors du sable et votons sans ambiguïté pour Emmanuel Macron, le seul candidat qui porte, qu’on l’aime ou non, un projet fondé sur les valeurs démocratiques les plus élémentaires et qui tient compte des réalités. Voter blanc, s’abstenir, c’est voter le Pen.

On l’a déjà dit, mais il faut le répéter, le projet de la candidate est un projet classique de l’extrême droite : prospérant, comme les fascismes de tous genres de l’entre-deux-guerres, sur le chômage, l’instabilité économique et la peur de l’autre, le Front national trompe son monde en vendant un catalogue de mesures simplistes qui prétend répondre à des situations complexes. Continuer la lecture

Les leçons du 23 avril

     Il faut bien commencer par-là : la candidate du Front National est qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle. On peut se réjouir que son score ne soit pas aussi extraordinaire qu’attendu au vu de certains sondages, on peut être soulagé de ce que le candidat arrivé en tête ne soit pas un des nombreux autres vendeurs de lune qui étaient sur la ligne de départ. Il n’empêche, sa présence et son relatif succès est le signe d’un échec grave.
L’ensemble de la classe politique française porte sans doute une responsabilité dans cette situation. Mais celle de la gauche est particulièrement lourde. La candidature destructrice du chef de la « France insoumise » en premier lieu n’y est pas pour rien. En faisant le choix d’une démarche solitaire, en désignant la social-démocratie réformiste comme l’ennemi prioritaire, il a condamné d’avance toute tentative de rassemblement des forces de gauche autour du parti socialiste. Mélenchon passera peut-être dans l’Histoire comme celui qui a fini par faire éclater le parti socialiste, mais il ne devrait pas en tirer gloire, car, pour ceux qui ont un minimum de culture historique, cela rappelle un peu trop les stratégies suicidaires des partis communistes de l’entre deux guerre qui ont préféré fermer les yeux sur la montée au pouvoir des partis totalitaires si cela pouvait anéantir les « sociaux-traîtres ». A cet égard, son refus d’appeler clairement à voter pour l’adversaire de Marine le Pen au second tour est significatif et cohérent avec sa stratégie d’avant le premier tour. Elle n’en manque pas moins de décence. Continuer la lecture

Les nouveaux somnambules I

Comme c’était à redouter, l’issue de la primaire de la gauche a consacré la victoire de la frange la plus immobiliste de la gauche française, celle des éternels vendeurs de rêves qui ont préféré le confort douillet des illusions, plutôt que de se colleter avec une réalité en général ingrate.

Manuel Valls a payé le prix de l’exercice du pouvoir et s’est retrouvé en bute au rejet indiscriminé de tous ceux ayant exercé des responsabilités et à un travail de sape systématique d’une partie de sa propre majorité dont le seul point commun vraiment fort était de l’éliminer.

Quoiqu’on puisse penser de la manière dont François Hollande a rempli, ou non, ses engagements de campagne, un sens minimum de la discipline collective aurait voulu que les ministres  qui se trouvaient en désaccord avec les orientations du chef du gouvernement, et certains députés, ne se livrent pas à une guérilla incessante qui a fortement contribué à ruiner dans l’opinion l’image, non seulement du gouvernement, ce qui était leur but, mais aussi de la majorité socialiste elle-même. Cette « fronde », dont les acteurs     auraient pu se souvenir que le terme renvoie à un mouvement fort réactionnaire de notre histoire, a trouvé son aboutissement dimanche en désignant le candidat qui n’a probablement aucune chance d’être élu à la présidence de la République.

Au-delà des causes de rejet qui pourraient tenir à la personne de l’ex premier ministre, (on lui a reproché d’avoir été trop « clivant », d’avoir trop souvent choisi de passer en force, mais avait-il le choix ?), la cause profonde de son éviction réside au cœur de la gauche française : la gauche française n’aime pas le pouvoir. Continuer la lecture

Raison et Election

Que ce soit au Royaume Uni pour décider de l’avenir du pays dans l’Europe (et de son avenir tout court), ou aux Etats-Unis pour choisir le nouveau président (choix auquel nous ne pouvons être indifférents) ou, tout récemment en France, lors des récentes primaire pour désigner les futurs candidats à l’élection présidentielle, tous ces scrutins qui ont émaillés cette interminable période électorale présentent quelques points communs.
On pourrait naïvement penser que dans une démocratie qui fonctionne (ce qui est tout de même bien le cas dans ces trois pays, malgré quelques chaos), une élection sert à choisir un homme et un programme, le premier pour son aptitude présumée à diriger un État, le second parce que les électeurs l’estime souhaitable et réalisable. Eh bien, non! Il semble que ce soit là vue de l’esprit. Les électeurs britanniques, que ce soit délibérément ou par abstention, ont fait un choix qui produira vraisemblablement les effets inverses de ceux qu’attendaient les partisans du Brexit, tandis qu’aux Etats-Unis a été installé à la Maison Blanche un personnage fantasque qui, là encore, a fort peu de chances de réaliser un programme se résumant à “making America great again”. Certes, on pourra objecter que ce choix n’est pas conforme au résultat du vote populaire, puisque l’adversaire de Donald Trump avait une avance non négligeable en termes de suffrages, mais personne à ce jour n’a remis en cause ce mode de scrutin archaïque, légitimant ainsi le vainqueur de l’élection.
Le cas des primaires pour l’élection présidentielle en France n’est pas moins intéressant. La primaire de la gauche n’est pas encore achevée, mais déjà le résultat du premier tour reproduit de manière très similaire ce qui s’était passé lors de la primaire de la droite : le choix des électeurs s’est porté sur le candidat le plus inattendu et sur le programme le plus radical et le plus utopique. Personne ne met en doute les qualités d’homme d’état de François Fillon, Premier ministre pendant cinq ans, mais, même dans son camps, pas grand monde n’est convaincu de la faisabilité d’un programme dont la brutalité risque de mettre le pays dans la rue pour des gains économiques hypothétiques. Quant aux résultats du premier tour de la primaire de la gauche, les électeurs ont placé en tête un candidat auxquels ils ne croyaient pas vraiment puisque, si l’on en croit le sondage réalisé par BFMTV, à la différence des électeurs qui ont choisi Emmanuel Valls pour ses qualités d’homme d’état (à 52%) et ses chances d’être élu président de la République (à 30%), les électeurs de Benoît Hamon ne sont que 9% à trouver qu’il a les qualités nécessaires à un président et 3% à croire qu’il a le plus de chance d’être élu président en 2017. Au fond, c’est comme si une large partie des électeurs avaient déserté le réel pour se complaire dans des rêves qu’en eux-mêmes ils savent parfaitement irréalisables.
Comme disait quelqu’un qui s’y connaissait, “les faits sont têtus”, se détourner de la réalité n’est pas seulement dangereux, parce qu’à marcher les yeux bandés, on risque l’accident, mais parce que c’est le plus sûr moyen de se priver des moyens de transformer le monde. La gauche, tout particulièrement, qui revendique cette ambition devrait y réfléchir.

Election de Donald Trump

C’est une défaite, nette et totale. Présidence, Chambre des Représentants, Sénat, Donald Trump contrôlera tous les pouvoirs constitutionnels, le parti démocrate n’ayant même pas réussi à tempérer la victoire du candidat républicain par l’obtention de la majorité au Sénat. Certes, les pouvoirs du président des Etats Unis ne sont pas aussi étendus que l’on se l’imagine en France, il n’empêche, cette domination républicaine dans les deux pouvoirs, et bientôt dans les trois avec la Cour suprême, donnera toute latitude au futur président pour mettre en œuvre son programme. Dans quelle mesure le fera-t-il ? Les réticences au sein même du parti sur nombre de mesures annoncées par Trump et l’épreuve de la réalité du pouvoir par le président peuvent, bien sûr, infléchir la politique flamboyante du candidat, mais il ne faudrait pas sous-estimer la volonté de Donald Trump d’imprimer sa marque personnelle sur l’Amérique, comme il l’a fait de manière obsessionnelle sur toutes ses entreprises. Il serait certainement illusoire de croire que Trump au pouvoir se laissera guider ou circonvenir par des professionnels de la politique, fussent-ils du parti qu’il représente mais qu’il n’a cessé d’étriller durant toute sa campagne.
Cette élection, c’est une évidence, ne concerne pas seulement les Etats-Unis, mais aussi le reste du monde et l’Europe en particulier. Continuer la lecture

Clinton – Trump, troisième débat. “I will keep you in suspense”

Le troisième et dernier débat présidentiel n’a pas appris grand-chose de nouveau sur les candidats. Nettement plus maîtrisé pendant la première demi-heure que lors des deux précédents débats, lorsqu’ont été abordés les thèmes de la cour suprême, du second amendement et de l’immigration, Donald Trump a fait du Trump durant l’heure suivante. Eludant les questions directes du modérateur qui avait parfois peine à se faire entendre, sautant du coq à l’âne, interrompant sans cesse son adversaire (37 fois contre 5 pour Hillary Clinton selon le comptage), se cantonnant à des affirmations générales ou à des mises en cause non argumentées de son adversaire (notamment sur l’économie et la politique étrangère), Trump a conforté son image déjà désastreuse d’agitateur désordonné nullement taillé pour endosser les habits d’un président.

“I will keep you in suspense”
En refusant, comme la tradition politique américaine le veut, de dire s’il accepterait, le cas échéant, la victoire de son adversaire au soir de l’élection, Donald Trump a, sans aucun doute, commis une erreur majeure. Continuer la lecture

Bob Dylan et le Nobel – A true Poet

Il fallait s’y attendre, l’attribution du prix Nobel de littérature à Bob Dylan n’a pas fait que des heureux. Saluée par beaucoup, et non des moindres, il s’est bien entendu trouvé le concert des pleureuses habituelles pour se lamenter que le choix du jury se soit porté sur un candidat aussi indigne à leurs yeux. Au-delà des jérémiades qui laissent souvent transpirer une envie verte, que valent les regrets des littérateurs (avec un grand L), des critiques littéraires et des éditeurs ? Pas grand-chose, ou plutôt si : d’être révélateurs de l’aliénation de nombre de professionnels de la culture, d’avec ce qui est la vraie nature de la littérature, dont la poésie – l’a-t-on oublié ? – est la mère.
Bob Dylan est un poète, et un grand. Continuer la lecture

Second débat affligeant

Le deuxième débat entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine a confirmé ce que l’on avait pu constater lors du premier : Hillary Clinton a largement dominé son adversaire et Donald Trump, empêtré dans les polémiques d’une semaine calamiteuse, a fait preuve, une fois de plus, d’une agressivité confuse et a affiché une ignorance patente des affaires publiques. Alors que la presse française tente curieusement de présenter ce débat comme une espèce de match nul, la presse américaine, à l’exclusion de quelques sites ultra conservateurs, considère unanimement que Clinton a gardé son avantage. Tout comme après le premier débat, il est douteux que Donald Trump ait gagné quelques électeurs, en revanche, s’il conserve sans aucun doute un socle électoral qui lui reste acquis quoi qu’il fasse et quoi qu’il dise, il semble que ce socle tende à s’éroder. Les défections se multiplient parmi les soutiens qui lui restaient au sein du parti républicain et ses incartades vont jusqu’à semer le doute dans l’esprit de son colistier qui n’a pas dû apprécier que le candidat fasse état, devant des millions d’auditeurs, de leurs désaccords sur des questions importantes.
On ne sait si ce débat a été le pire de toute l’histoire américaine, comme l’a soutenu un commentateur, mais il a été certainement affligeant. Continuer la lecture