Retour aux sources

En traversant la cour d’honneur de l’Élysée d’un pas de légionnaire, Emmanuel Macron a symboliquement posé les marqueurs de sa présidence qui commence : distance et maîtrise. Le – très court, en fait – suspense sur la nomination de son premier ministre, auquel les médias n’étaient pas habitués, a confirmé ce choix. Le nouveau président devrait exercer sa fonction avec hauteur et dispenser une parole rare.
Le nouveau président a expressément annoncé son intention de revenir à ce qui lui paraît être l’esprit de la Vème République et de restaurer le fonctionnement de ses institutions. En cela, il se démarque de ses deux prédécesseurs qui, par excès d’agitation ou de normalité, n’avaient pas exercé leurs fonctions au niveau attendu, ainsi que de pratiques qui se sont peu à peu imposées au cours des dernières décennies durant desquelles l’immédiateté médiatique a trop souvent dicté les priorités et la forme de la réponse qui leur était apportée.
Évidemment, ceci ne pourra qu’hérisser un peu plus les contempteurs de la « monarchie républicaine », oxymore étrange qui a la faveur de tous les ennemis de la Vème République, au premier rang desquels une fraction de la gauche qui n’a, au fond, jamais accepté que la réalité du pouvoir passe des parlementaires à l’exécutif.
Avec un monarque, le président de la République française, quelle que soit sa personnalité, ne partage pourtant pas grand-chose, sinon le souvenir de quelques rites hérités du passé. Il est élu par les citoyens pour une durée limitée – faut-il rappeler cette évidence ? – ses pouvoirs, restent étroitement encadrés, même si la constitution de 1958 lui accorde une latitude que le président des États Unis pourrait parfois lui envier, enfin la survie de son gouvernement dépend, dans une large mesure, de la majorité parlementaire.
En réalité, si tout se passe comme annoncé, on en reviendrait à un président qui préside le pays sans se préoccuper d’éteindre les lumières lorsqu’il sort d’un salon de l’Élysée, un chef d’État qui ne soit, non plus, ni Facebook ni Twitter, mais qui ne donnerait à voir que ce qu’il est essentiel que les citoyens sachent sur lui, et qui ne s’exprimerait que lorsque le sujet et la situation l’exigent. C’est là l’esprit de la constitution que le général de Gaulle avait conçue et que le nouveau président a raison de vouloir défendre et maintenir, car cette construction institutionnelle, loin d’être « à bout de souffle » comme le prétendent ses adversaires, continue de prouver aujourd’hui même qu’elle est capable de fournir le cadre de tous les changements.
Ce retour à la sobriété de parole et à la distance par rapport au quotidien est évidemment un objectif souhaitable. Restera à s’y tenir. Car, en admettant que cela soit encore possible en ce siècle de médiatisation à outrance et d’instantanéité des communications, il ne va pas être facile de substituer une information pertinente des citoyens à une prétendue transparence qui n’est bien souvent que voyeurisme, anecdotes et ragots. Les responsables politiques qui, par recherche de popularité et encouragés par les médias, se sont prêtés à ce jeu n’ont pas peu contribué à dégrader l’image de leur fonction et ont sacralisé des pratiques sur lesquelles il ne va pas être aisé de revenir.
On a trop souvent confondu message et communication compassionnelle. Le chef de l’État, de même que les ministres d’ailleurs, doivent ils s’exprimer, voire se déplacer, chaque fois qu’un bus de touristes plonge dans un ravin, ou qu’un charter s’écrase quelque part? Il est temps de revenir à la distinction entre ce qui est tragédie personnelle, qui doit rester du domaine privé, et drame national, qui requiert la parole du chef de l’Etat ou de ses plus hauts représentants. Chaque perte de vie humaine est une tragédie, il n’y a pas de hiérarchie en ce domaine, mais le décès d’un militaire ou d’un membre des forces de l’ordre ou, plus généralement, d’un représentant de l’État en mission, n’a pas la même signification pour le pays que la mort d’un citoyen survenue au cours d’une activité privée. A cet égard,la banalisation de la parole présidentielle dispensée tous azimuts a introduit une sorte de routine qui a affadi sa portée.
La réserver aux moments où la collectivité nationale est concernée ne diminuerait en rien l’attention que l’État doit apporter aux citoyens, bien au contraire.

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