Décidément, la Grèce n’en finit pas de hanter l’inconscient européen. Depuis presque quatre ans maintenant le pays est en crise. Ou, plus exactement cela fait quatre ans que cela est devenu évident. Crise économique et financière aggravée par une crise politique où se retrouvent tous les délices et poisons de la cuisine politicienne traditionnelle grecque.
Dans cette affaire, il semble que de tous côtés on soit dans le déni de la réalité.
Lorsque la directrice générale du FMI suscite l’indignation vertueuse de la gauche française et l’ire des Grecs en les exhortant à payer leurs impôts, elle ne fait, maladroitement ou de manière provocatrice, qu’énoncer une banalité bien connue à savoir que l’Etat grec, même si des progrès ont été enregistrés ces derniers mois, a toujours été chroniquement incapable depuis sa naissance de faire rentrer les recettes fiscales qui auraient permis de construire ce pays sur des bases solides.
Lorsque la Chancelière de l’Allemagne fédérale répète sans se lasser que l’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire un renflouement des caisses par les partenaires européens sans mesures drastiques de remise en ordre de la part d’Athènes, elle ne fait que dire tout haut ce que tous les dirigeants européens pensent, y compris ceux qui font montre d’une sympathie quelque peu hypocrite pour les souffrances de la population grecque.
Enfin, si l’on en arrivé à un stade où le scénario de la sortie de la Grèce de la zone euro (et pourquoi pas de l’Union ?) n’est plus un tabou, mais est évoqué de manière de plus en plus ouverte, il faut bien reconnaître que la faute en revient pleinement à la classe politique grecque qui, dans la tragi-comédie des dernières élections, a montré une fois de plus sa totale incapacité à intérioriser le sens de l’Etat, de l’intérêt national et du bien public. Les tergiversations de la droite traditionnelle à soutenir le gouvernement du PASOK pendant la crise, le manque de détermination de la direction du PASOK (malgré quelques personnalités de valeur), sous la pression des éléments populistes, ont conduit à des élections calamiteuses qui ont donné aux partis extrémistes de gauche et de droite une capacité de nuire qui pourrait s’avérer fatale pour le pays.
Dans ce contexte, il ne faut pas se tromper. La montée des extrêmes n’est pas simplement due au mémorandum, catalogue de mesures de redressement imposé à la Grèce, même si cette austérité venue de l’étranger est un bouc émissaire commode. Les partis extrémistes n’ont pu ainsi prospérer et exploiter la réelle détresse d’une partie de la population que parce que les partis traditionnels de droite comme de gauche ont été incapables de faire preuve de courage et de lucidité. Ils n’ont du reste pas été les seuls, les multiples formations issues du dernier scrutin, l’extrême gauche SYRIZA en tête, ont préféré torpiller les tentatives tardives de gouvernement d’union nationale et provoquer de nouvelles élections en tablant sur de minables calculs électoraux à courte vue. Cela n’est d’ailleurs pas nouveau, l’histoire de la Grèce moderne est une longue illustration de l’impéritie de ses dirigeants.
Ceci étant dit, lorsque Manolis Glézos, le presque nonagénaire« héros de l’Acropole », rappelle aux Allemands qu’ils sont mal venus de donner avec hauteur des leçons aux Grecs après avoir ravagé leur pays de la pire manière pendant les années atroces de l’occupation, sans pour autant avoir contribué au relèvement du pays par la suite, il touche un point sensible que l’on aurait tort d’ignorer ou de sous-estimer.
Les Grecs ont, certes, une propension facile à voir la main de l’étranger dans tous leurs malheurs pour s’exonérer de leurs propres défaillances, mais leur histoire n’a pas favorisé l’enracinement d’une démocratie sereine et efficiente. Les Balkans ne sont pas la Scandinavie.
Après quatre cents ans d’une domination ottomane fort peu éclairée qui l’a tenue à l’écart de la Renaissance et du développement économique et intellectuel du reste de l’Europe, la nouvelle Grèce s’est vue imposer par les Puissances de l’époque des dynasties étrangères qui n’ont pas toujours été en phase avec leurs sujets. Durant le siècle qui a suivi, les Grecs ont toujours eu le sentiment, parfois à tort, mais pas toujours, que leur souhait, au demeurant légitime, de rassembler en un ensemble national les populations hellénophones des régions sous domination étrangère (empire ottoman, Bulgarie, Grande-Bretagne, Italie, Albanie) était au mieux ignoré, au pire systématiquement étouffé par les pays qui définissaient les règles du jeu international.
De ce sentiment d’impuissance à maîtriser son destin, le peuple grec a développé une méfiance profonde envers « les Puissances » (hier l’Angleterre, puis les Etats-Unis, aujourd’hui les institutions financières internationales et l’Union européenne), de la même manière que le citoyen se méfie de l’Etat qui ne lui apparaît jamais comme le bien de tous, mais plutôt, au gré des alternances, comme la propriété transitoire d’un parti ou d’une faction. Sur ce dernier point, l’Histoire ne lui a pas vraiment donné tort.
Alors, sachant cela, fallait-il accepter la Grèce dans l’Union ? Cela pouvait se discuter il y a trente ans. Aujourd’hui la Grèce est un pays membre, son sort est lié à celui de ses partenaires, comme ils le sont au sien. Si demain le Dakota du Nord était au bord de la faillite, il ne viendrait à l’idée de personne de le bouter hors des Etats-Unis.
La question que l’on peut se poser est plutôt : est-ce que les arguments qui ont pesé à l’époque en faveur de l’adhésion de la Grèce sont toujours aussi valides aujourd’hui ? Le seul qui ait été réellement décisif est d’ordre culturel et symbolique : les racines grecques de la culture occidentale. On peut débattre sans fin sur la nature et l’authenticité de ces racines et des rapports de la Grèce moderne avec la culture classique, il n’empêche, une identité se construit aussi à partir d’images et de symboles, fussent-ils approximatifs. Dans le Lego identitaire que les Européens ont entrepris de bâtir ensemble sur la durée, la brique grecque serait-elle trop chère ? PR
Commentaires en cinq point d’un citoyen lambda sur la situation grecque:
1-La dette grecque est hors de contrôle puisque malgré les centaines de milliards d’aide déversés elle continue à enfler
2-Les Grecs ne rembourseront donc jamais.
3-Cette perspective terrifie les instances politiques et financières européennes car si on reconnait leur valeur véritable aux obligations grecques, c’est à dire zéro, la BCE et la plupart des grandes banques européennes qui en sont gavées sautent.
4-Contre ce danger un seul remède pour l’l’Union Européenne, la fuite en avant c’est à dire continuer à alimenter le tonneau des Danaïdes avec de l’argent dont on n’a pas le premier sou, donc emprunté.
5-Donc la dette de la plupart des état européens va rapidement devenir à son tour hors de contrôle
Conclusion: on va tous joyeusement dans le mur.
Analyse très bien étayée, mais à ce niveau de marasme je ne sais pas si on peut accuser des individus ou une classe politique. Ce qui a surtout changé depuis 30 ans, c’est l’avènement de la finance. Il y a des gens dont c’est le métier de miser sur l’effondrement d’une économie. Ils ont les meilleurs outils du monde pour anticiper les flux de capitaux, et ils n’ont pas à répondre de leurs actes devant des électeurs. C’est s’ils ne font pas assez de bénéfice qu’ils sont remplacés.
Si les Grecs sont ruinés aujourd’hui, c’est qu’on leur a trop prêté, non ? A un taux inapproprié, sans s’inquiéter de savoir s’ils pourraient vraiment rembourser un jour ? Si un système permet à des gens d’emprunter au-delà de ce qu’ils peuvent se permettre, c’est que le système est mauvais. Il faut trouver la faille et la combler.
Et si on vivait une situation de cette ampleur en France, je pense qu’on se déchirerait de la même manière 😉