Mise à nu

Nombre de commentateurs ce matin s’interrogeaient : fallait-il y aller ? fallait-il offrir le spectacle de ce pugilat pendant lequel, deux heures trente durant, les deux candidats se sont affrontés avec une violence qu’aucun débat présidentiel n’avait connue en France jusqu’alors ? Nombreux sont ceux qui en doutaient et qui concluaient que l’on n’avait pas appris grand-chose et que la démocratie n’en sortait pas grandie.
Eh bien, il faut le dire clairement et sans ambiguïté : oui, il fallait y aller, et c’est tout à l’honneur d’Emmanuel Macron d’avoir eu le courage de faire, et, non, la démocratie n’a pas souffert de cet étalage. Bien au contraire.


Ce débat, malgré son déroulement chaotique et ses dérapages, qui sont entièrement à mettre au compte de l’agressivité de Mme le Pen, a permis de voir s’affronter de manière évidente deux conceptions radicalement opposées de la nation, de la société et de la politique tout court. D’un côté, une candidate vantant une nation exclusive, mythifiée, figée dans l’Histoire, de l’autre un candidat appelant à une nation inclusive, acteur de l’Histoire. D’un côté Marine le Pen prônant une société fermée, frileuse, sans horizon, de l’autre un candidat appelant à une société réconciliée, en mouvement, dans le monde. D’un côté, enfin, une candidate dont le seul bagage était l’insulte, le mensonge, l’insinuation et une logorrhée floue, de l’autre un adversaire qui, malgré la pauvreté et l’âpreté des échanges, a réussi, vaille que vaille, à maintenir un discours articulé et à opposer au vide de son adversaire, un certain nombre des propositions concrètes et argumentées.

Jamais depuis le début de la campagne, les méthodes et l’incompétence de Marine le Pen n’avaient été crûment exposées comme hier soir.
Le débat de l’entre-deux-tours qui depuis 1974 est devenu une tradition, n’a jusqu’à présent jamais fait clairement basculer l’électorat en faveur de l’un ou l’autre candidat, mais il donne l’occasion aux deux finalistes de convaincre les Français qui les regardent qu’ils ont bien la stature d’un président et que leurs qualités les autorisent à ambitionner d’occuper cette fonction.
A cet égard, l’épreuve a été fatale pour la candidate du Front national. Non pas qu’il ait fallu attendre ce moment pour se rendre vraiment compte de ce qu’elle représente, mais, jusqu’à présent, à l’aise sur les podiums, sans contradicteur, et face à un public acquis, elle pouvait facilement déployer une rhétorique trompeuse, appelant davantage aux émotions qu’à l’intelligence, sans aucun souci de vraisemblance, ni de cohérence. Visiblement, elle n’a pas pris la mesure de ce que pouvait être un débat avec un véritable adversaire préparé, structuré et qui, de plus, s’est révélé être un débatteur mordant et coriace. Elle a peut-être cru que ce qui avait réussi à Donald Trump lors des débats avec Hillary Clinton, mensonges, approximations, attaques personnelles, ignorance des dossiers, pouvait lui servir aussi bien. Elle n’a fait que se caricaturer, soulignant à gros traits qu’elle incarnait bien cette extrême droite française obsessionnelle qui, sous des replâtrages divers, ressasse depuis les années trente les mêmes haines et qui, comme l’a pointé Emmanuel Macron, prospère sur le terreau des peurs et des fragilités, sans jamais apporter de solutions.
Démasquer les charlatans est un exercice qui ne peut que conforter la démocratie. Ce débat a été une mise à nu, gênante et cruelle, mais nécessaire.

2 réflexions sur « Mise à nu »

  1. Bravo Pierre, commentaires clairs mesurés qui traduisent le plus fidèlement possible le déroulement de ce débat où l’agressivité, l’ignorance des dossiers et la cerise sur le gâteau, la mauvaise foi de Marine le Pen se sont heurtés à un candidat qui savait de quoi il parlait. Rendez-vous dimanche pour fêter la victoire de la France républicaine qui va de l’avant!

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