« Dupont-la-Honte »

     Le folklore national s’est enrichi. Nous avions Dupont-Lajoie, nous avons maintenant Dupont-la-Honte, si l’on en croit toutefois les pancartes brandies par des électeurs d’Yerres scandalisés. Après s’être tâté longuement durant la semaine, Nicolas Dupont-Aignan a annoncé son soutien à Marine le Pen. Non pas qu’il ait véritablement eu des scrupules qui l’auraient fait hésiter, car on sentait bien qu’il penchait de ce côté, mais la répugnance exprimée par une bonne partie de ses électeurs à l’idée de soutenir le Front national était certainement de nature à faire réfléchir l’élu qu’il est. Finalement, la perspective d’occuper un poste de premier ministre a dû aider à emporter la décision.
Le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan à le Pen pourrait n’être qu’anecdotique, s’il n’était révélateur de l’usage que font de la confusion idéologique un certain nombre de politiciens et de mouvements politiques. Sans aucunement rire, Dupont-Aignan continue de se présenter comme « gaulliste et humaniste ». S’il a effectivement été membre d’un parti qui se revendique du gaullisme, c’était dans un passé désormais lointain, et sa conversion aux valeurs du Front national, qu’il étrillait il y a quelques semaines à peine, ne fait que conclure logiquement une dérive marquée d’un nationalisme étriqué. Il paraît que le général de Gaulle aurait dit: « tout le monde a été, est, ou sera gaulliste un jour ». Il ne devait certainement pas avoir en tête ce genre de travestissement. Quant à l’humanisme, il semblerait que la conception que le maire d’Yerres en a ne le gêne nullement pour s’unir à une candidate qui ne cesse de se répandre en invectives contre tous ceux qui en France, d’une manière ou d’une autre, chefs d’entreprises, enseignants, journalistes, fonctionnaires, essaient de maintenir la réflexion à un certain niveau.

Mais il est vrai que la candidate du Front national prend désormais elle-même des postures patriotiques et se revendique du général. Et qu’importe si le programme du Front national contient, jusqu’à la moindre virgule, tout ce que de Gaulle abhorrait ! Mais il est vrai également que la candidate, en hologramme perverti de Mélenchon, pille sans vergogne le vocabulaire de l’extrême gauche et se donne des allures de passionaria de la cause du peuple dont elle prétend abusivement être la porte-parole. Courant du parking de Whirlpool à Amiens aux grilles de l’usine Altéo à Gardanne, le Pen s’efforce de faire oublier par des coups de com’ d’où elle vient en se donnant un vernis social et écologiste.

Pratiquant par ailleurs un opportunisme dont elle accuse pourtant l’ensemble de la classe politique, et sans souci de cohérence avec les annonces sur lesquelles elle s’est qualifiée pour le second tour, la candidate n’hésite pas ainsi à passer à la trappe la promesse d’abandonner l’euro qui constituait pourtant une mesure centrale de son programme, en échange du soutien de Dupont-Aignan, dans un arrangement d’appareil dans le plus pur style du « système » honni.

Pour quiconque a suivi de près la campagne présidentielle américaine, cela rappelle  clairement la méthode Trump. Plus articulée, verbalement, que celui dont elle dit le plus grand bien, le Pen pratique de la même manière dénigrement des personnes, amalgame, approximations, déni des faits et des chiffres, voire carrément mensonges, provoquant ainsi un effet de saturation du discours qui exclut le débat. Avec une certaine efficacité, car, comme le faisait observer un commentateur de la campagne américaine : il suffit d’une minute pour asséner un mensonge, mais il faut souvent des heures pour rétablir la vérité.

Que l’on soit d’accord avec son programme ou pas, on doit reconnaître qu’Emmanuel Macron argumente et fait appel à l’intelligence de ceux qui l’écoutent. Marine le Pen invective et en appelle aux émotions de son public. Cette différence seule pourrait suffire à guider le choix entre les deux candidats, mais l’exemple américain est là pour nous mettre en garde : face aux charlatans batteurs d’estrade et leurs remèdes miracles, la raison est constamment menacée, et avec elle les principes mêmes qui fondent les relations entre les citoyens dans une société démocratique : confrontation des idées et respect de l’autre.(PR)

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