- La réaction à l’annonce de la réélection de Barack Obama est le soulagement.
Sa victoire est incontestable. Elu avec environ 56 pour cent des voix des grands électeurs, les prédictions qui annonçaient une victoire étriquée, voire une défaite, se sont révélées fausses et même si le pourcentage du vote populaire est plus faible, Barack Obama n’en a pas moins obtenu la majorité, ce qui lui évite une victoire qui pourrait être présentée comme le résultat technique d’un système électoral dont la simplicité n’est pas la première vertu. Non pas que cela eût réellement entamé sa légitimité aux yeux du peuple américain ; après tout il n’aurait pas été le premier président à être élu avec une minorité des voix populaires, mais dans le contexte de crise actuel avec une chambre des représentants aux mains des républicains, il aura besoin de tout ce qui peut conforter sa stature et son image.
Pour le reste du monde, sa réélection évite l’interminable période de transition traditionnelle pendant laquelle, en cas de changement, la nouvelle équipe prend en mains les affaires et ne prend guère d’initiatives en attendant. Certes, personne n’attend aujourd’hui des Etats-Unis qu’ils règlent dans les mois qui viennent toutes les grandes questions en suspens, guerre civile en Syrie, relations avec l’Iran, crises africaines et, bien sûr, question palestinienne, pour ne citer que celles-là. Mais, du moins avec l’administration actuelle, on est en terrain connu et le travail diplomatique peut reprendre au point où il avait été laissé avant la parenthèse électorale. Par contraste, la vaste incertitude qui planait sur les convictions et les intentions du candidat républicain en matière de politique étrangère était plutôt inquiétante.
Sur le plan intérieur, la réélection d’Obama est également un gage de continuité dont le monde a besoin. Son adversaire s’était acharné durant la campagne à dénigrer le bilan économique du président sortant. Sans être exceptionnel, celui-ci est plutôt honorable compte tenu des circonstances et des entraves que la majorité républicaine de la chambre n’a cessé de mettre à l’action du président. Une bonne partie du monde dépend encore étroitement des humeurs de l’économie américaine, la crise de 2008 est là pour nous le rappeler. D’un point de vue européen, les mesures prises par l’administration Obama pour introduire des éléments de régulation dans l’économie et la finance américaine, même si elles sont restées en deçà des attentes, vont dans le bon sens et, là encore, le credo ultra-libéral du candidat républicain en matière économique n’augurait rien de bon pour les partenaires des Etats-Unis, même si on pouvait se demander parmi les voies contradictoires égrainées au fil de la campagne, laquelle Mitt Romney aurait fini par choisir s’il avait été élu.
Enfin, si l’issue de cette élection est globalement rassurante, une fois de plus on est en droit de trouver inquiétants, en tout cas déroutants pour nous Européens, un système et une société qui mettent dans la balance à jeu à peu près égal un Obama, politicien intelligent et rationnel, d’un côté et, de l’autre côté, un membre d’une secte étrange dont le principal mérite est d’avoir gagné beaucoup d’argent dans ses affaires. Il y a là un facteur d’imprévisibilité qui devrait, entre autres raisons, inciter les européens à compter davantage sur eux-mêmes.