Le troisième et dernier débat présidentiel n’a pas appris grand-chose de nouveau sur les candidats. Nettement plus maîtrisé pendant la première demi-heure que lors des deux précédents débats, lorsqu’ont été abordés les thèmes de la cour suprême, du second amendement et de l’immigration, Donald Trump a fait du Trump durant l’heure suivante. Eludant les questions directes du modérateur qui avait parfois peine à se faire entendre, sautant du coq à l’âne, interrompant sans cesse son adversaire (37 fois contre 5 pour Hillary Clinton selon le comptage), se cantonnant à des affirmations générales ou à des mises en cause non argumentées de son adversaire (notamment sur l’économie et la politique étrangère), Trump a conforté son image déjà désastreuse d’agitateur désordonné nullement taillé pour endosser les habits d’un président.
“I will keep you in suspense”
En refusant, comme la tradition politique américaine le veut, de dire s’il accepterait, le cas échéant, la victoire de son adversaire au soir de l’élection, Donald Trump a, sans aucun doute, commis une erreur majeure. Non pas seulement parce que c’est jeter par-dessus bord une coutume de courtoisie bi-séculaire, mais surtout parce que, compte tenu de la violence habituelle des échanges entre les candidats durant les campagnes, et pas seulement durant cette campagne-ci, la reconnaissance par le vaincu de la victoire de son adversaire est une pièce importante du jeu démocratique américain. Après l’affrontement, on revient au fonctionnement normal des institutions et au débat démocratique.
Le refus du candidat Trump, ainsi que ses affirmations réitérées selon lesquelles les élections sont truquées, selon lesquelles la fraude est massivement déjà en place (« des millions d’électeurs sont inscrits qui ne devraient pas l’être »), l’atmosphère de complot qu’il entretient (« les médias sont corrompus »), sans compter ses appels subliminaux à la violence contre son adversaire, présentent un risque majeur pour l’après élection. Si Donald Trump n’est pas élu, la frustration du cœur de son électorat, gavé pendant des mois de slogans simplistes, anxiogènes et violents, sera immense, et le fait que circulent sur la toile des messages affirmant que la seule manière d’arrêter Hillary Clinton est de la tuer, est plutôt inquiétant.
Ce faisant, Donald Trump s’est déjà placé lui-même sur une trajectoire d’échec et en répétant sur tous les tons que l’élection est truquée, il semble implicitement admettre qu’il ne sera pas le vainqueur au soir du 8 novembre. Mais ce qu’il faudra retenir de cette campagne et de ces trois débats, c’est essentiellement ceci : pour la première fois probablement, le candidat de l’un des deux grands partis a encouragé une part notable de l’électorat à mettre en doute le fonctionnement des institutions et l’a incité à refuser par avance le résultat de la principale consultation démocratique de la nation américaine. Cela n’augure rien de bon pour la suite, et il faut espérer, si la candidate démocrate emporte l’élection, qu’elle le fera de manière décisive, avec une avance significative, afin de démontrer au parti républicain en particulier, que la voie tracée par des Trump est sans issue, et de montrer clairement au reste du monde que le peuple américain aspire à autre chose qu’aux solutions simplistes et fallacieuses d’un bonimenteur.