Pour une poignée de voix

Pompidou, avait en son temps brocardé l’opposition la comparant à ces émigrés se tenant sur l’autre rive, « n’ayant rien oublié et n’ayant rien appris », selon l’aphorisme de Talleyrand. La formule n’en finit pas de resservir, mais au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale, il semble que la gauche, du moins ses dirigeants, n’ait non seulement rien appris, mais encore beaucoup oublié.

La hâte avec laquelle écologistes, communistes et socialistes se sont empressés de concocter une nouvelle alliance avec « La France Insoumise » laisse perplexe.   L’expérience  passée d’une cohabitation chaotique au sein de la NUPES devrait avoir servi de leçon.

Oublié donc qu’une alliance

avec un parti qui a fait preuve, de manière continue et récurrente, de ses tendances sectaires et de son goût pour la radicalité et la domination ne peut conduite qu’au choix entre l’alignement sur les positions les plus radicales ou le divorce.

Oublié qu’une campagne électorale devrait se faire sur un programme et que se borner à annoncer une « rupture » relève plus de l’incantation que de véritables propositions. Car, quel programme en effet est-il envisageable de construire avec LFI dont la plupart des positions sur les grandes questions de l’heure sont à l’opposé de celles des autres partis, que ce soit sur l’Ukraine, l’Europe, le Moyen-Orient, ou la politique économique ? Les deux années passées, tout particulièrement, ont montré qu’il n’y avait très peu de points communs entre une social-démocratie qui aspire à gouverner et une « France insoumise » vociférante, perpétuellement dans l’outrance, à part le rejet de la majorité actuelle et de la personne du chef de l’État. C’est un peu court.

Au lendemain de l’annonce de la dissolution, Raphaël Glucksmann tirant les conséquences du constat que, au vu des résultats de l’élection européenne, le rapport des forces s’est inversé, le Parti socialiste et son allié Place Publique dépassant largement LFI, a rejeté catégoriquement une reconstitution de la NUPES. Mais, surtout, il a posé lucidement un certain nombre de conditions à tout accord entre les forces de gauche. Sur les cinq conditions énoncées, trois sont clairement  difficilement compatibles avec  les prises de positions et le comportement des dirigeants de LFI (« soutien indéfectibles de la construction européenne », « soutien indéfectible à la résistance ukrainienne », « rejet de la brutalisation de la vie politique »). Au sein du PS,  un accord avec LFI ne fait d’ailleurs pas l’unanimité, or ce débat est loin d’être théorique car il est appelé à se traduire sous peu en actions concrètes sur le terrain électoral. La question qui se pose  est de savoir quelle ligne prévaudra. Le calendrier électoral serré impose d’apporter à très bref délais les clarifications nécessaires, mais au-delà du choix d’une stratégie électorale c’est bien l’avenir de la gauche qui est encore une fois en jeu. S’entendant, la gauche socio-démocrate républicaine et progressiste que le PS a longtemps incarnée. Car peut-on encore sérieusement qualifier de « gauche » une organisation comme LFI dont les objectifs et les méthodes la rangent de plus en plus dans le champ des totalitarismes, bien loin de « l’arc républicain » ?

L’heure est bien aux vendeurs de lune qui prospèrent aux deux extrémités du spectre politique. Cela leur a réussi si l’on en juge par les résultats du récent scrutin. Faut-il pour autant les rejoindre et vendre son âme ?

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