Election, choux et carottes

La défaite de la candidate du Front national est nette, comme il fallait qu’elle le soit. Elle a certes obtenu un résultat en très forte progression par rapport au dernier scrutin présidentiel, mais, avec plus de 66% des suffrages, la victoire d’Emmanuel Macron est sans appel.
Elle est pourtant contestée par ceux qui ont appelé à voter blanc ou nul, ou à s’abstenir, au motif que le candidat d’En Marche ! n’aurait été élu que par une minorité d’électeurs et que, parmi ceux-ci, une part notable ne l’aurait pas fait par conviction profonde, mais tout simplement pour faire barrage au Front national. Cela appelle quelques observations.


Sur les chiffres, tout d’abord.
Si l’on considère les scrutins présidentiels depuis 1995, on constate que, à l’exception de celui de 2007 (16% d’abstention), le nombre des abstentionnistes tourne autour de 20% des électeurs inscrits sur les listes électorales. En 2017 il y a donc eu environ 5% des inscrits abstentionnistes en plus du socle habituel.

S’agissant des bulletins blancs et nuls, leur nombre est d’ordinaire plutôt constant, s’élevant régulièrement à chaque scrutin de ce type à un peu plus de 4% des électeurs inscrits, à l’exception toutefois de celui de 1995 où leur nombre, 2,3%, avait été exceptionnellement faible. Ils représentent cette fois-ci 8,6% des électeurs inscrits, soit environ le double de ce que l’on constate d’habitude.

Ces chiffres, que ce soient ceux de l’abstention, ou ceux des bulletins blancs ou nuls déposés dans les urnes, sont très élevés et doivent susciter une réflexion, mais ce n’est pas un raz de marée. Surtout si l’on considère que, à la différence de ce qui s’était passé lors des élections précédentes, cette fois-ci un nombre significatif de personnalités politiques ou de la société civile ont ouvertement, ou de manière allusive mais suffisamment transparente, appelé à ne voter pour aucun des deux candidats restés en lice.

La deuxième observation porte sur la signification de ces chiffres.
Le chiffre de l’abstention, qui mêle ceux qui n’ont pu se rendre aux urnes pour des raisons diverses, avec ceux qui ont préféré faire autre choses (les amateurs de pêche des sondeurs) et ceux qui se sont délibérément tenus à l’écart du vote, ne peut rendre compte globalement d’une prise de position politique et ne peut être considérée comme telle. Exercer son droit de vote, ce qui est d’ailleurs dans certains pays considéré comme un devoir, reste l’expression démocratique par excellence. Se tenir à l’écart marque un manque d’adhésion aux règles en vigueur, mais n’est pas une opinion.

Il en va différemment des votes blancs ou nuls, puisque dans ce cas, les électeurs reconnaissent la validité du système, mais veulent faire savoir qu’ils ne sont pas d’accord avec le choix qui leur est offert. Ils en ont tout à fait le droit, mais ils doivent reconnaître que ce qu’ils considèrent comme un non-choix est le résultat d’une consultation démocratique et que, jusqu’à présent, on n’a pas encore inventé d’autre moyen pour désigner de manière pacifique la personne qui va conduire le pays pendant les années qui suivent.

Au lendemain de chaque élection, les perdants se livrent ainsi à des additions de choux et de carottes pour tenter de prouver que la victoire de celui dont ils ne voulaient pas n’est pas aussi légitime qu’elle le paraît. Essayer par tous les moyens de faire le procès de la légitimité du candidat élu et, donc, en fait, contester implicitement le résultat de la consultation, n’est certainement pas un bon service à rendre à la démocratie, surtout dans les périodes de doute comme celle que le pays traverse.(PR)

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